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curioso furioso
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curioso furioso
10 janvier 2009

Der gross Karneval

Clown


















    Je me trouvais sur les lieux en compagnie de Guturdjieff, de Mordekhaï et d’Abdul quand retentit le premier tir. Nous en étions à jauger la Daimler, à tenter de savoir s’il nous serait possible d’y charger suffisamment d’armes, de saucisses et de pommes de terre en vue de l’évacuation programmée … Les événements se sont alors enclenchés avec une telle rapidité que nous n’eûmes pas  le temps de relever les yeux que nombre de chiens, de Têtes-de-Mort et de vert-de-gris, déjà, se noyaient dans leur sang. J’eus l’impression qu’un berger rampait, qu’un S.S. essayait de retrouver son arme sous le ventre d’un voisin, qu’on se culbutait à droite, qu’on on se déchirait à gauche, qu’on se bastonnait de partout. Un poignard surgissait, valsait aussitôt un képi et ferraillait un casque tandis que voltigeait la neige sous les raclements conjugués des semelles et des griffes. Et ça grondait, ça aboyait, ça gueulait avec une telle énergie, un tel désespoir en même temps, qu’il eût fallu plusieurs cameramen pour couvrir la mêlée.

    Mais le spectacle continuait. Du Kanada jaillissaient à présent des troupes fraîches, une troisième armada parvenait sur les lieux, et des colonnes de Teutons dérapaient dans la neige, arrivaient sur les fesses pendant que leurs prédécesseurs, hommes et bêtes mêlés, noués, parfois même emmanchés et haletants, tentaient de surnager. Et si l’un des protagonistes s’inquiétait du pourquoi, du quoi quoi, du qui que, du quoi qui, il n’avait pas le temps de s’interroger. Il prenait une des balles qui sifflaient aux oreilles de chacun et ne perdaient pas toutes (Herr Kommandant lui-même avait trouvé refuge derrière sa limousine, dont venaient d’éclater les pneus), mêlait ses hurlements, ses mugissements et vociférations au ramdam général pour la raison que son clébard, qui venait de lui broyer le poignet, s’intéressait à présent à ses prunes. Et les chiens de faire de même dans leur langage à eux, et les détenus d’applaudir à chaque nouvelle saignée, à chaque nouvelle peignée, ce qui se traduisit par un applaudissement unique, prolongé par l’écho.

    Ne restèrent bientôt plus, dans les lambeaux de la chambre à gaz, que quelques hommes et bêtes en sang, certains le crâne ouvert, d’autres amputés d’une guibole ou d’une patte, qui se fixaient comme des pestiférés.

    Nous fîmes le tour du champ de bataille, examinâmes avec soin les blessés, les mourants et les morts. De l’extrémité de la botte, en nazi qui se respecte, Guturdjieff retournait sur le dos les cas les plus douteux, s’assurait d’un coup d’œil qu’ils avaient rendu l’âme. Et dans le cas contraire, Abdul les désignait au commandant t le commandant visait comme à la foire, balançait son pruneau… En fin de compte, détenus et porteurs de cadavres disposèrent les dépouilles selon deux alignements : les bêtes à droite, les hommes à gauche, eux-mêmes entre les deux. Empoignant alors les morts de gauche par un pied, ceux de droite par une patte, ils les halèrent jusqu’aux bûchers. En tête se rengorgeaient nos chiennes, suivies de leur mâle en pleine forme.

    Je marchais en queue en compagnie de Mordekhaï et de trois bergères repentantes, comprenant à quel point le national-socialisme dont on leur bourrait le mou, né de l’obscurantisme, de la bêtise et de l’abus de schnaps, pouvait se montrer nocif. Reprises en main, Mozzarella, Feta et Polenta pourraient s’infiltrer chez l’ennemi, lui couper l’herbe sous la botte. Elles seraient même capables, nous affirma Abdul, de nous ramener Himmler.

   

Mimi Vaurien - Auschwitz Karnaval (extrait). Photo © Constance
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